Le vieux cimetière
Il existe à Neuwiller-les-Saverne, cas unique en Alsace, un cimetière sans stèles funéraires. Il se trouve dans les fossés de la ville, aux pieds du mur d'enceinte, sur lequel sont gravées de nombreuses inscriptions en caractères hébraïques. Lorsqu'on aperçoit des lettres hébraïques sur les pierres d'une muraille, on songe immédiatement au remploi de stèles funéraires, comme cela se fit si souvent après les grandes persécutions du moyen âge. Il n'en est rien ici. Tout tend à prouver que ces inscriptions ont été tracées sur le mur achevé : il n'y a pas d'inscriptions renversées, elles sont toutes à portée de main, et ont été gravées à l'aide d'instruments de fortune. Certaines sont si peu profondes qu'elles se confondent avec les défauts de la pierre. On trouve toutes sortes d'écritures, généralement l'écriture carrée, quelquefois la cursive. On a l'impression que l'important n'était pas de faire du beau travail, mais de laisser des repères faciles à retrouver. La lecture en est souvent difficile. Tout y contribue : le manque de soin du graveur, le manque de profondeur des lettres, les intempéries, les travaux de consolidation de la muraille, au cours desquels les maçons ont projeté à profusion du mortier sur de nombreuses inscriptions. Ces inscriptions se limitent généralement à un nom : Joseph, Jacob, Moïse, Faïss, Nana, Hana, Israël, noms souvent suivis de l'abréviation zaïn, lamed, pour zikhrono li-vrakha, "que sa mémoire soit bénie". Dans un cas, nous avons trouvé une inscription un peu plus complète :Benjamin Wolf, et sur la pierre immédiatement en dessous, nous avons cru lire : 30 tishri 5432, ce qui correspond à l'année 1671, puis l'eulogie tav nun ̣zade bet he, que nous trouvons actuellement sur toutes les stèles funéraires : "que son âme soit réunie au faisceau des vivants".
Durant la guerre de Trente Ans qui ravagea l'Alsace entre 1618 et 1648, et plus tard durant la guerre de Hollande, entre 1672 et 1679, l'insécurité sur les routes était telle que l'on risquait sa vie à vouloir enterrer ses morts dans un cimetière tant soit peu éloigné. Les Juifs de Neuwiller-lès-Saverne sollicitèrent obtinrent l'autorisation d'enterrer leurs morts dans les fossés de la ville. On ne sait pas si, à leurs yeux, il ne s’agissait pas d'une inhumation provisoire. Voilà qui explique la présence de ces repères sur les pierres des murs d'enceinte. Par la suite, l'autorisation d'aménager un cimetière avec des stèles funéraires leur fut accordée, toujours dans les mêmes fossés.
En 1777, ce cimetière fut désaffecté et remplacé par un autre cimetière situé entre la rue d'Ingwiller et la rue des alouettes.